HISTOIRE D’IRIS

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Histoire d’Iris

Le 16 mars, avant que nous ne soyons confinés, j’ai couru rue d’Alsace voir si l’iris, planté depuis bien longtemps et qui avait deux boutons prometteurs, avait fleuri. J’étais curieuse de découvrir sa forme et sa couleur mais hélas un maladroit, un malappris, un mal dans sa peau, un qui avait mal quelque part l’avait décapité. L’optimisme de la volonté m’a fait ramasser les boutons et les mettre dans l’eau.
Le 28 mars au matin, un des boutons avait fleuri, une splendeur blanche avec de légers reflets mauves. Le printemps était passé par là.
Quelques traces de mon amour d’enfance pour la mythologie grecque ont fait remonter le souvenir d’Iris, la messagère des dieux de l’Olympe d’où elle descendait sur son pont d’arc en ciel porter aux hommes de bonnes nouvelles.
Puisse l’iris de la rue d’Alsace être le signe d’une renaissance qu’augure notre beau printemps. Je ne résiste pas à l’envie de partager ces fragments de Walden qu’Henri Davis Thoreau publia en 1854.
Printemps (extraits de Walden de Henri David Thoreau, 1854)
Voici le gel sortant du sol ; voici le Printemps. Cela précède le printemps de verdure et de fleurs, comme la mythologie précède la véritable poésie. Je ne sais rien qui purge mieux des fumées et indigestions de l’hiver. Cela me convainc que la Terre est encore en ses langes, et de tous côtés déploie des doigts de bébé. […] La Terre n’est pas un simple fragment d’histoire morte, strate sur strate comme les feuilles d’un livre destiné surtout à l’étude des géologues et des antiquaires, mais de la poésie vivante comme les feuilles d’un arbre, qui précèdent fleurs et fruit, – non pas une terre fossile, mais une terre vivante ; comparée à la grande vie centrale de laquelle toute vie animale et végétale n’est que parasitaire. […]
Il suffit d’une petite pluie pour rendre l’herbe de beaucoup de tons plus verte. Ainsi s’éclaircissent nos perspectives sous l’afflux de meilleures pensées. Bienheureux si nous vivions toujours dans le présent, et prenions avantage de chaque accident qui nous arrive, comme l’herbe qui confesse l’influence de la plus légère rosée tombée sur elle ; et ne perdions pas notre temps à expier la négligence des occasions passées, ce que nous appelons faire notre devoir. Nous nous attardons dans l’hiver quand c’est déjà le printemps. […] À travers notre innocence recouvrée nous discernons celle de nos voisins. Il se peut qu’hier vous ayez connu votre voisin pour un voleur, un ivrogne, ou un sensuel, l’ayez simplement pris en pitié ou méprisé, désespérant du monde ; mais le soleil luit, brillant et chaud, en ce premier matin de printemps, re-créant le monde, et vous trouvez l’homme livré à quelque travail serein, vous voyez comment ses veines épuisées et débauchées se gonflent de joie silencieuse et bénissent le jour nouveau, sentent l’influence du printemps avec l’innocence du premier âge, et voilà toutes ses fautes oubliées. Ce n’est pas seulement d’une atmosphère de bon vouloir qu’il est entouré, mais mieux, d’un parfum de sainteté cherchant à s’exprimer, en aveugle, sans effet, peut-être, tel un instinct nouveau-né, et durant une heure le versant sud de la colline n’est l’écho de nulle vulgaire plaisanterie. Vous voyez de son écorce noueuse d’innocentes belles pousses se préparer à jaillir pour tenter l’essai d’une nouvelle année de vie, tendre et fraîche comme la plus jeune plante.
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